Black Bazar, roman d'Alain Mabanckou, Seuil, 247 pages.

            Pour débuter l'année nouvelle, voici une véritable nouveauté, avec le dernier opus du Congolais Mabanckou. Pas vraiment de lien avec Madagascar, sauf que le livre est arrivé à Tana à la vitesse éclair : je l'ai eu dans les mains dès la fin 2008, pour une parution annoncée le 8 janvier 2009. Sauf aussi qu'il y est question d'exil, de couleurs de peau, de langue et de rotations fondamentales, toutes problématiques qui peuvent intéresser les diasporas ; et à l'heure où les plumes malgaches peinent à sortir de l'ombre (celle de Raharimanana, brillante autant qu'affûtée, vient d'être mise sous le boisseau avec l'annulation de la tournée africaine pour sa pièce 1947), il n'est pas incongru de se focaliser sur d'autres « francophones ». Black bazar tranche avec Mémoires de porc-épic, prix Renaudot 2006, et précédent roman de cet auteur que j'aie eu l'occasion de lire. D'abord il n'est dénué ni de ponctuation, ni de légèreté, avec un ton souvent plein d'ironie et d'autodérision. S'il ne rechigne pas à verser dans la caricature (tels les personnages de l'Antillais ou de l'Arabe du coin), ce portrait du Paris africain laisse finalement transparaître la difficulté à être, parfois même la souffrance, de figures tranchées depuis celle, éculée, du revanchard haineux, jusqu'à celle, plus subtile, de la provinciale deuxième génération trop foncée de peau pour qu'on puisse la croire réellement née sous les frimas de France. Un livre que l'on prend finalement plaisir à lire, qui n'hésite pas à interpeller le lecteur à la manière d'un Dany Laferrière, et qui dessine dans un désordre apparent les traits d'une humanité dans laquelle chacun se reconnaitra. Emaillé de quelques perles, parmi lesquelles la première phrase : « C'est pas du tout moi qui creuse le trou de

la Sécurité

sociale. »