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Tsimatory

19 juillet 2009

La tribu des gonzesses, Tierno Monénembo, théâtre, Cauris éditions, 2006, 118 pages.

tribu

 

C'est l'heure des vacances, l'heure de bouger et de s'ouvrir encore davantage à des territoires inconnus. Je commencerais donc l'hiver austral avec un livre qui réchauffe, la première pièce écrite par l'auteur guinéen récompensé en 2008 par le prix Renaudot pour Le roi de Kahel.

La tribu des gonzesses a beaucoup plu à ma mère, avant de me séduire. On y croise « celles »: celles qui partagent du côté de Barbès un quotidien d'exilées, souvent chaotique et cependant toujours teinté d'humour et de solidarité. De fortes femmes qui ne se font pas de cadeau mais qui ne se quittent qu'à la dernière heure, lorsque la tragédie s'achève. Et puis il y a l'homme, immense et irréparable, tellement présent dans son absence. Entre rire et désespoir, entre comédie et drame, La tribu des gonzesses a l'élégance de ceux qui savent faire passer la vie avant tout, jusqu'au bout.

La pièce a été jouée l'an dernier au Sénégal mais elle reste savoureuse à découvrir à l'écrit grâce aux Editions Cauris : un livre à emmener en vacances ou ailleurs, profond et léger comme le rire de ces femmes.

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8 juin 2009

Nouvelles chroniques de Madagascar, présentées par Dominique Ranaivoson, Sépia, 2009, 143 p.

chroniques

          Maintenant que j'ai eu le volume en main, je peux revenir plus précisément sur ce recueil de  nouvelles d'auteurs malgaches, peu ou pas connus, qui ont retenu l'attention de Dominique Ranaivoson, directeur de collection chez Sépia.

          Contrastant avec le premier volume (Chroniques de Madagascar) qui présentait douze textes courts, celui-ci nous permet de nous immerger plus profondément dans l'univers des quatre auteurs, avec des textes assez longs. Des textes radicalement différents, par la localisation géographique, par les thèmes, et même par les époques puisque celui de Désiré Razafinjato est franchement daté de l'époque de la guerre d'Algérie, celui de Cyprienne Toazara, proche du conte, se situe lors d'une des guerres mondiales, alors que les deux autres, de Hery Mahavanona et Johary Ravaloson répondent mieux au générique de Chroniques puisqu'ils semblent contemporains.

           Que retenir de textes aussi hétérogènes ? D'abord une belle qualité d'écriture, car chaque texte se lit avec plaisir, chaque style est agréable à découvrir, et, personnellement, aucun ne m'a déçu. Ensuite la multiplicité des points de vue, qui prennent cependant tous largement en compte l'altérité – c'est sans doute le fil conducteur de ce recueil. Problématique de la filiation et intimité chez Mahavanona, passagers des nuits tananariviennes et humanité chez Ravaloson, dilemmes moraux insolubles et ambivalence du dominé chez Razafinjato, moeurs villageoises et intégration de l'étranger chez Toazara, dans chaque texte on retrouve ce souci du regard de l'autre, du comment vivre ensemble, et c'est peut-être cette conscience aigue de faire partie d'un tout, d'une communauté malgré les différences, qui constitue un ferment de la sociéte malgache et se retrouve naturellement dans sa littérature.

            Une belle initiative, que l'on doit à l'énergie d'une universitaire « qui y croit » et qui mérite d'être saluée.

8 juin 2009

A travers Madagascar insurgée, roman colonial d'aventures, Léo Dex et M. Dibos, Bibliothèque malgache, 227 p., 2009.

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            Enfin une occasion de rendre hommage au travail colossal effectué par l'éditeur de la Bibliothèque malgache (www.bibliothequemalgache.com), Pierre Maury, qui à travers ouvrages papiers et virtuels, blogs et articles, avec un activisme forcené, incarne aujourd'hui un soutien fondamental pour une littérature qui peine toujours à se faire reconnaître à Madagascar et en dehors.

            Voyage et aventures d'un aérostat, c'est le sous-titre de ce roman d'aventures qui nous permet de survoler la Grande Ile à la fin du 19ème siècle. Avec son équipage de quatre explorateurs français, nous prenons la mesure de nombreuses dimensions aujourd'hui moins évidentes. D'abord, la plus choquante pour nos consciences contemporaines, c'est bien sûr celle des stéréotypes à travers lesquels ces gentilshommes d'un autre temps caractérisent l'autre, les autres, évidemment très différents d'eux. C'est une dimension qui se retrouve dans tous les romans de cette époque coloniale, et l'on peut mesurer le chemin parcouru depuis, en même temps que les vestiges de cette mentalité encore observables parfois. La deuxième dimension qu'il nous est permis de mesurer, c'est l'attitude chevaleresque qui prétend caractériser ces esprits éclairés, leur savoir-vivre non dénué de phallocratie lorsqu'ils accueillent une femme à bord. Enfin, et ce qui force malgré tout l'admiration, c'est l'incroyable témérité dont ont su faire preuve ces défricheurs scientifiques, ces aventuriers que rien n'arrêtait, ni l'inexpérience, ni les insurrections, ni même les cyclones.

            Un roman dans lequel j'ai eu un peu de difficulté à entrer, mais qui a su m'entraîner avec de plus en plus de conviction jusqu'à l'Ile du Mozambique, émaillé, dans l'esprit du 19ème, de gravures édifiantes sur le Madagascar de l'époque.

8 juin 2009

Le A noir de Madagascar, Frédéric Marinacce, roman policier, coll. Les exotiques, Ed. Kailash, 2005.

           Un chef-d'oeuvre cinématographique disparu, c'est le fil que suit l'auteur pour nous promener de Venise à Tana en passant par Majunga. Du mystère, du suspense, du sexe et peut-être une histoire d'amour, de l'action et des rebondissements, le tout dans une contrée lointaine : tous les ingrédients du bon vieux SAS sont réunis dans ce polar qui se lit avec facilité et plaisir, surtout lorsqu'on y reconnaît des lieux familiers. Une mention spéciale à l'éditeur Kailash, érudit de Pondichéry, qui nous régale de petits bijoux aux couvertures de papier artisanal sérigraphiées en Inde.

                                                                                             

                                                                                             

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20 mars 2009

LES DERNIERS GEANTS, François Place, Casterman, réédition 2008.

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            En ce temps de couvre-feu à Tana, où il est habituel de rester derrière des volets fermés, voici un ouvrage magnifique pour s'évader. Je ne suis pas seul à le dire : couronné de nombreux prix, ce livre de François Place, auteur et splendide aquarelliste, s'offre une réédition chez Casterman pour notre plus grand plaisir.

            Petits et grands, nous suivons dans son exploration un gentilhomme anglais du dix-neuvième siècle. Voyage dans le temps autant que dans l'espace, voyage dans le détail du dessin et dans les subtiles nuances des couleurs, voyage dans la musique de ces géants rêveurs et dans la portée philosophique du récit, que je vous laisse découvrir.

            Une oeuvre merveilleuse, dans tous les sens du terme, et un très grand auteur que nous avions eu le plaisir de rencontrer lors du dernier salon du livre de jeunesse de La Réunion (un vrai pitre aussi, mais ne l'ébruitez pas !).

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17 mars 2009

ZAZAGASY, un projet pour grandir, dir. Edith Marichal, photos Emi, 2008


        Une fois n'est pas coutûme, je vais avoir le verbe acide. Et pourtant tout partait d'une bonne intention : créer un centre de "remise à niveau", destiné aux enfants des rues de Tana. Ce n'est pas le premier projet du genre, mais il suffit d'arpenter quotidiennement les rues de la ville pour se convaincre de l'utilité de telles institutions.

       Oui mais alors pourquoi ce livre, et pourquoi maintenant ? Car le centre n'est qu'un projet, il n'a pas la moindre brique, et déjà sort cet ouvrage très luxueux, imprimé en Belgique sur papier maxisoie, avec le renfort d'un nombre impressionnant de sponsors. Et surtout rien dans ce livre, tout l'opposé de "Mafonja" dont je vous parlais dans un précédent article. Rien si ce n'est les clichés en cartes postales touristiques de vazahas qui abordent le pays en technicolor, plages de sable fin et inévitables sourires de gosses. Même le projet n'est abordé qu'en une page, comme une introduction sans suite.

          Certes le maquettiste est doué, il a réussi à rendre attrayant un produit à contre-sens. Pourquoi ne pas avoir utilisé cette manne financière pour bâtir d'abord le projet humain, quitte à en faire des photographies par la suite, qui auraient eu une signification celles-là ? Peut-être les membres de l'association Zaza gasy ont-ils jugé plus pertinent de sortir cette coûteuse carte de visite pour soulever d'autres fonds ? Loin de moi l'envie de décourager les bonnes volontés, mais il me semble que prendre la responsabilité de gérer des fonds, c'est aussi accepter de se poser la question du sens. Voilà, c'est dit.

13 mars 2009

MAFONJA Droits et peines.

Association Sténop'Art (sous la dir. de Fidisoa Ramanahadray), 2008, 142 pages.

C'est une véritable perle documentaire que j'ai dénichée au Centre Culturel Albert Camus. Comme la diffusion doit se faire par bouche à oreille, voici le mail (imprimé sur l'ouvrage) du directeur de projet qui vous dira où se le procurer :
fidsoa2@yahoo.fr ; de quoi s'agit-il ? D'un ouvrage trilingue (malagasy, français, english) témoignant par le texte et l'image d'une enquête menée dans l'ensemble des prisons malgaches par les membres de l'association Sténop'art. Comment ont-ils convaincu les autorités carcérales de les laisser entrer ? Les prisonniers de se laisser photographier ? Mystère ! En tout cas, il y a du fond, du contenu, une réélle volonté d'expliquer la réalité des prisonniers, et de proposer des pistes à suivre pour améliorer la situation. Si la forme laisse parfois à désirer, il faut souligner l'importance de cet ouvrage, entièrement produit à Madagascar, et aussi le courage de la Ministre de la justice, qui a
accepté de préfacer le livre malgré le fait qu'il expose sans censure les carences du système carcéral. L'opus s'accompagne d'un film qui a été projeté en décembre 2008 au Centre Culturel Américain. Je ne l'ai pas vu et je le regrette. Mais un livre, c'est une fenêtre toujours ouverte, et c'est plus essentiel encore lorsque cette fenêtre nous permet d'approcher un univers totalement clos. Edidifiant et émouvant, cherchez-le, il le mérite!

11 mars 2009

Nouvelles chroniques de Madagascar.

Sépia, St Maur des fossés, 144 pages, nouveauté présentée au Salon du livre de Paris 2009.

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      Je n'ai pas encore eu le livre en main, mais j'ai déjà eu accès à une partie de son contenu, et comme j'aime bien jouer les découvreurs, je ne résiste pas au plaisir d'en parler, un peu avant sa parution attendue ces jours-ci.
Les nouvelles chroniques de Madagascar font suite aux Chroniques de Madagascar, chez le même éditeur. Mais alors que le premier opus nous faisait découvrir la multiplicité des écritures malgaches, à travers les plumes de douze auteurs, celui-ci nous propose une incursion plus intime, avec des textes beaucoup plus longs de quatre auteurs seulement.

     Avec "Antananarivo, ainsi les jours pluvieux", Johary Ravaloson nous entraine dans l'opacité des nuits tananariviennes, désertées aujourd'hui pour cause de couvre-feu. A travers une succession de dialogues qualifiés d'ordinaires, c'est toute la complexité des rapports sociaux qui est suggérée, et le choix de la forme permet d'aborder la relation humaine sans pour autant tomber dans le pathos ; même si les quotidiens sont rudes, inégalitaires, humides et peut-être désespérants, on retient surtout la vitalité de ces voix évoquées avec sensibilité et retenue. Des destins croisés, des paroles qui s'élèvent, et la nuit qui écoute....

Un visage peu connu de la ville des mille, qui donne envie de la parcourir encore, souvent, librement.

5 février 2009

Pirogue sur le vide, nouvelles, Editions de l'aube, 2006, David Jaomanoro.

visuelpirogue

            L'enfance en péril, et les pratiques traditionnelles barbares, ce sont les deux principaux thèmes qui reviennent au fil de ce recueil de nouvelles, qui nous entraîne sur les pas de l'auteur, entre Madagascar et l'archipel des Comores. Refus des traditions mal perpétuées, celles qui poussent les petites filles dans les bras de vieillards, violeurs autorisés, ou entre les cuisses de leurs pères, traditions qui veulent taire, celles qui les placent en esclavage chez une lointaine parenté, celles qui injurient et blessent à jamais, qui jettent les enfants morts aux chiens et les vivants encombrants dans les eaux troubles du lagon, celles qui avilissent et soumettent.

            Refus et rébellion, du marronnage aux enfants soldats, des incendiaires aux gamines devenues assassines par obligation, trafics d'enfances et d'errance, abus de pouvoir et d'autorité, Jaomanoro prête sa voix à ces mondes que, souvent, nous ne pouvons qu'entrapercevoir. Le parti-pris est clair, et le pari pas loin d'être gagné : si l'on sent parfois le regard extérieur de l'écrivain, la plupart du temps, on parvient à se mettre dans la tête de cette gamine en guerre contre la réalité qu'on lui a fabriquée. Comment fait-il, Jaomanoro, lui qui, d'après ce que j'en sais, n'est ni femme ni enfant ?

            L'atmosphère est plombée, comme le souligne la postface de Dominique Ranaivoson, et pourtant on finit par le faire, ce voyage, du début à la fin. Avec quelques pauses, pour respirer. C'est elliptique parfois, poétique avec l'évocation de légendes et de comptines, avec un rythme soutenu et une fin positive (ouf!) sur un lien d'amour resté très discret dans le reste du livre.

            Jaomanoro nous donne à voir ce qui souvent nous demeure invisible, sans jamais se poser en juge. C'est douloureux, pourtant on en redemande : souhaitons qu'il écrive longtemps, et souvent.

2 février 2009

Le zébu né d'un oeuf d'oiseau de Paradis.

Album illustré, Gallimard jeunesse, 2006, Muriel Bloch et Zaü.

            Après son passage à Tananarive, à l'occasion du dernier « Lire en fête », comment résister au plaisir de vous présenter Muriel Bloch, conteuse rayonnante autant que voyageuse ? Cet album jeunesse, qui reprend une histoire de la littérature populaire malgache, s'accompagne d'un CD audio produit par O'cora Radio France.

            L'histoire est assez terrible, puisque Faravavy, trahie par sa famille, sanctionnera cette trahison par sa propre noyade. Cela épouvanterait plus d'un adulte, mais pas les enfants (j'ai testé sur les miens), pour qui la mort est une affaire banale et familière, qu'on rencontre à chaque coin de conte (le petit chaperon rouge ne sort-il pas indemne du ventre du loup ?).

            Les illustrations au pastel de Zaü, dans des tons acidulés, racontent un Madagascar aux couleurs de fruits exotiques, des personnages en fleurs tropicales. Quant-à la bande-son, elle nous entraîne dans un voyage musical à travers la grande île, depuis le pays mikéa jusqu'au hautes-terres, et s'accompagne d'un descriptif édifiant de chaque instrument. Enfin, on retrouve avec grand plaisir le timbre chaleureux de la voix de Muriel.

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